Descendez-le à la prochaine.

Publié le par sportiximo

En regardant le match d’hier soir sur la TSR, je me suis fait la réflexion que les commentaires des présentateurs pouvaient grandement orienter notre propre perception du match si on n’y prenait pas garde. Ainsi, je me suis surpris à focaliser mon attention sur Ronaldo coté Portugais et Villa coté Espagnol principalement parce que le commentateur avait une tendance certaine à s’étendre sur leurs interventions. Ce qui se traduisait bien souvent par une apologie du joueur Ibère, promu dépositaire du jeu espagnol, et par un certain acharnement à l’encontre du Lusitanien, souvent cloué au pilori de défaillance du jeu Portugais.

Par ailleurs, la lecture de quelques comptes-rendus du match ou de quelques commentaires de la blogosphère montrent que nombreux sont ceux qui voudraient faire de Ronaldo le principal artisan de la défaite de son équipe. Cristiano cristallise les critiques et les rancœurs des supporters et des simples amateurs. A vrai dire. Il semblerait que l’anti-ronaldisme doive faire partie du bagage de quiconque voudrait se présenter comme un fin connaisseur de la chose footballistique.

 

Moi, vous me connaissez, j’aime à prendre le contrepied de la pensée unique aussi ne pouvais-je manquer de faire de ce joueur le sujet de ma contribution du jour. Par ailleurs, et au-delà du simple plaisir de dire tout et son contraire, le cas de Ronaldo me semble assez symptomatique des certaines modes et tendances en vogue dans le landernau du football mondial.

 

Pour commencer, il n’est pas, je pense, d’exemple de sport collectifs où les individualités prennent plus d’importance que le collectif, que le football. Tous les sports ont leurs vedettes, tous les sports ont leurs stars, mais le football reste sans doute celui où lesdites stars se voient le plus attribuer les lauriers de la victoire et par conséquente immédiate, peuvent aussi se retrouver rapidement au banc de l’infamie les lendemains de défaite.

Il y a dès lors dans le football une dichotomie entre la somme et l’ensemble des individualités, entre le groupe et ses composantes unitaires, entre les joueurs et l’équipe qu’ils représentent. Pourtant, par essence, le football est un des sports où, hormis le gardien de but, les postes sont les moins spécifiques ce qui devrait avoir encore plus tendance à gommer les individualités que dans d’autres sports.

La conséquence de cet état de fait est que, bien que soutenant avant tout des équipes, les supporters focalisent leur attention sur quelques joueurs et par là même peuvent avoir tendance à oublier de situer la performance (ou contre performance) desdits joueurs dans l’organisation collective dans laquelle ils évoluent.

 

Le cas Ronaldo est très intéressant si on compare ses performances en club et en sélection nationale. Il est sans doute un peu exagéré de prétendre qu’il existe un CR9-Dr Jekyll et un CR7-Mister Hyde mais force est de constater que le joueur brillant en club a du mal à évoluer au même niveau avec la Seleccao. La présente saison n’en est que la plus parfaite illustration avec un CR9 auteur de 33 buts en 35 matches( !) avec Madrid pour seulement 1 seul petit but en match officiel avec le Portugal. Je passerai outre l’explication fumeuse qui voudrait que Cristiano Ronaldo ne s’investisse qu’à hauteur de sa rémunération et réserve pour son talent au seul bénéfice de son club. Je pense plutôt que l’explication est à chercher dans l’effectif d’une part et l’organisation d’autre part des deux équipes respectives.

Un des blogueurs bien connu du site d’en face à pour habitude de dénigrer les joueurs qu’il n’apprécie pas en minimisant leur performance avec l’intéressant concept d’une équipe qui jouerait pour eux les mettant ainsi dans les meilleurs conditions pour exceller.

Alors au-delà du fait que je ne puisse concevoir l’exemple inverse qui verrait une équipe faire l’exact contraire, je me dis surtout qu’il me semble que toute équipe devrait être bâtie sur cette volonté de permettre au talent individuel des joueurs de s’exprimer pleinement. Par là-même tous les grands joueurs bénéficient souvent de l’effort collectif, particulièrement en club où le choix des possibles est infini et seulement limité par l’aspect pécuniaire ce qui permet de mettre justement en place la meilleure combinaison possible entre les différents talents individuels. Chose qui reste plus difficile en sélection puisque par essence vous ne pouvez sélectionner que les joueurs sélectionnables.

 

Ainsi, il est évident, il me semble, que Ronaldo dispose d’un meilleur support collectif avec le Real qu’avec la sélection Portugaise qui, pour être de très bon niveau, n’est sans doute pas l’équivalent d’un Real de Madrid.

Le match d’hier soir peut d’ailleurs fort bien confirmer ce principe qui vit un Ronaldo par trop souvent isolé et seul chargé de l’animation offensive limitée de la Seleccao.

A ce sujet, l’existence de schémas tactiques différents entre le club et la sélection pourrait aussi expliquer pourquoi le joueur est plus efficace dans un cas que dans l’autre. Par son style et son tempérament, Ronaldo est un joueur à forte vocation offensive. Or, si le Real est largement tourné vers l’attaque, il me semble que la sélection Portugaise est beaucoup plus centrée sur sa défense qui reste d’ailleurs une de ses grandes forces.

Dès lors la question reste de savoir si ce sont les contre-performances du joueur qui nuisent à l’équipe ou les faiblesses relatives de l’équipe qui nuisent aux performances individuelles.

 

Ce qui est certain, c’est que le supporter de football vit souvent une vraie relation d’amour son équipe de cœur. Un amour qui peut parfois/souvent confiner à l’aveuglement le plus extrême. Un amour qui voudrait que son équipe soit d’une pureté virginale, une entité éthérée qui ne saurait souffrir d’aucune faiblesse, et ne saurait prêter le flanc à aucune critique. Dès lors, la possibilité de faire reposer la responsabilité des défaites de ladite équipe sur une ou plusieurs individualité n’est elle pas le plus sur moyen de dédouaner l’équipe elle-même… N’est-ce point le plus sur moyen de conserver à cet amour la blancheur immaculée des premiers émois.

Ceci dit, il est un autre facteur, qui pour le coup n’est sans doute pas spécifique au football : une indécrottable inclinaison à bruler tout ce que nous avons adoré.

Ainsi, je pense que les critiques à l’encontre d’un joueur seront d’autant plus vives que ledit joueur aura fait auparavant l’objet de louanges immodérées. A ce sujet C. Ronaldo n’est même sans doute pas le meilleurs, ou le pire selon comment on voit les choses, exemples de joueurs tombés de leur piédestal plus vite qu’ils ne s’y étaient hissés. Ou plutôt, des joueurs dont on a pris plaisir à démolir la statue qu’on avait pourtant pris soin de leur dresser.

 

Thierry Henry est sans doute l’archétype de ce type de joueur et l’épisode de sa sinistre sénestre contre l’Irlande sans doute la parfaite illustration de la versatilité des amours supportrices. Et lorsque l’on voit qu’un Zidane fut lui aussi victime de la vindicte populaire suite à son geste d’agacement vis-à-vis d’un personnage dont le nom n’est pas digne de figurer ici, on se dit qu’effectivement il n’y a qu’un pas de l’amour à la haine, ou tout au moins de l’admiration au mépris.

 

A l’inverse il est vrai que les mêmes supporter on une tendance marquée à s’enflammer pour tel ou tel nouveau joueur au moindre petit bout de bon match. Et, les Cristiano Ronaldo et consorts sont ils appelés à passer en un éclair de la lumière à l’ombre et vice-versa comme si la devise des supporters dans leur relation avec les joueurs de tout poil était : « Glorifiez-le à la première occasion, descendez-le à la prochaine ».  

 

Publication Originale le 30 juin 2010 

Publié dans Football

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